Jared Bark
Artistes•Johanna Tagada Hoffbeck
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Autoportrait : Thé en Alsace, série Safe Space, 56 x 39 cm, 2020
Les plantes dans mon atelier
Johanna Tagada Hoffbeck (née en 1990) vit et travaille principalement à Londres (Royaume-Uni) et dans les régions rurales de l’Alsace (France).
– Lieu de vie et atelier — ensemble ou séparé ?
Ensemble. Mes ateliers ont toujours été des pièces ou des espaces au sein des maisons ou des appartements dans lesquels j’ai vécu. Quand la météo le permet, je travaille autant que possible à l’extérieur, dans le jardin près de la terre ou sur un toit comme en Inde — j’adore cette proximité avec les légumes, les fleurs, les insectes, le vent et le soleil. C’est un simple reflet de la façon dont ma vie et ma pratique artistique s’entrecroisent délicatement, se nourrissant constamment l’une de l’autre. La simple différence est que mes ateliers contiennent bien sûr les matériaux que je fabrique, glane et utilise pour créer mes œuvres. L’espace de travail est aussi un lieu de stockage pour une partie des publications que j’édite via Poetic Pastel Press depuis 2015. Les ateliers sont généralement plus «pleins» que les autres pièces des différents lieux de vie que j’ai occupés au fil des années. À Londres, mon dernier atelier était aussi l’espace où je partageais le dîner avec des amis : je retirais tout de la grande table et c’est là que nous nous asseyions, au milieu de dessins, sculptures et peintures, en écoutant bien souvent les mêmes CDs que ceux qui accompagnaient mes journées.
– As-tu un rituel quotidien ?
Oui, ceux que j’aime partager ouvertement sont : la préparation du thé, la création de dessins dans un carnet de croquis, le temps passé avec des plantes, la cuisine, l’aromathérapie et les petits exercices de respiration. Comme je mentionne la cuisine, je voudrais partager, aussi car je crois qu’un tel changement est nécessaire pour notre génération, que je consomme uniquement des aliments locaux à base de plantes — et ce depuis des années. Cela m’apporte force et bonheur, à la fois à mon corps et à mon esprit. Il est aussi bon de savoir que je ne contribue pas activement à la mort d’êtres vivants.
– Quel est le premier livre d’art dont tu te souviens ?
Deux livres pour enfants, des classiques en France, il me semble. Le premier est Babar l’Éléphant de Cécile de Brunhoff et Jean de Brunhoff et le second Petit Ours Brun de Danièle Bour, j’aime la douceur de ces dessins, encore aujourd’hui.
– Quelle musique écoutes-tu en travaillant ?
Dans mon atelier, j’écoute des CDs dans un lecteur conçu par Naoto Fukasawa pour Muji. Cela m’empêche aussi de me distraire car me connaissant, en allant sur mon ordinateur pour chercher et passer de la musique, je trouverais alors toujours un e-mail auquel répondre. J’aime aussi l’expérience physique du CD, les illustrations sur les pochettes. D’ailleurs, un de mes rêves serait d’avoir une de mes peintures sur une pochette de CD. J’écoute beaucoup les albums de Takagi Masakatsu, Alice Coltrane, Yasuaki Shimizu, Gontiti, Solange, David Edren, Haruomi Hosono, Hiroshi Yoshimura, Midori Takada, Jatinder Singh Durhailay, Green Butter et Akira Kosemura.
– Quel est ton objet préféré à l’atelier ?
J’aime tout ce qui s’y trouve, c’est pourquoi c’est là : je n’acquière et ne conserve que les objets — notamment de la céramique et des livres — pour lesquels j’ai un sentiment ou une admiration particulière. Chaque pièce et plante contiennent un récit, un moment avec une amie, une journée dans un certain endroit, un voyage, une promenade, une bouture d’une plante offerte par des amis lors d’une visite, une photo de famille…Les plantes ne sont pas des choses, pourtant, j’y suis profondément attachée…et paradoxalement, j’ai souvent besoin d’en faire don lorsque je déménage. Les plantes sont en vie, en prendre soin est en quelque sorte un moyen de prendre soin de moi comme le disait simplement ma grand-mère. Qu’importe la taille de l’atelier, la lumière se reflétant sur les murs, sur les feuilles, l’immobilité des plantes et les notes de musique qui résonnent sur les toiles posées contre les murs, cette vue me remplit de joie.
– As-tu toujours voulu devenir une artiste ?
Enfant, je voulais être danseuse ou peintre, ou avoir une librairie / bibliothèque.
– À quoi ressemble une journée de repos ?
J’ai la chance de pouvoir dire, avec joie, que jusqu’à présent les journées libres ressemblent beaucoup à des journées de travail. Sauf que je dors un peu plus, ne consulte pas mes e-mails et désactive le Wi-Fi par moments. Je suis très passionnée par ce que je fais et par ce qui m’intéresse, notamment la cuisine, l’horticulture, le jardinage, la culture maraîchère, l’architecture, la littérature, les langues, la danse et les arts en général. J’aime énormément mes amis et ma famille, nous parlons fréquemment. Pendant deux ans, j’ai aussi eu cette pratique de “Pas de Wi-Fi le dimanche”.